Le culte du soldat tombé au champ d'honneur

Cette guerre a créé, voire renforcé le culte du soldat qui meut pour sa patrie. Déjà dans l'histoire, au XIXème siècle, les journaux, les romans, les dirigeants ont exalté le sacrifice, mais la grande guerre a pour la première fois insisté, ancré l'idée du culte du soldat qui meurt pour son pays.

La saignée était si importante, le péril si grand, qu'il fallait encourager les appelés sous les drapeaux et leurrer l'arriére. Le mythe était nécéssaire à la nation, il pouvait avoir un impact à l'arrière particulièrement important, surtout aprés une défaite ou aprés une victoire. Le soldat qui lutte rageusement contre l'ennemi et qui tombe pour son pays peut atténuer l'échec.

On exhalte le sacrifice pour une bonne cause, pour sa patrie qui nous a nourri et que maintenant, on doit défendre. La propagande sur l'héroïsme, sur le sacrifice du soldat français veut montrer que ce soldat est supérieur au soldat allemand, qui est un lâche... et un fourbe... La propagande doit monter que la France et ses enfants sont prêts pour la lutte et qu'ils sont prêts à se battre jusqu'à la fin.

La différence des générations s'intégra à la mythologie de guerre, les morts symbolisant le triomphe de la jeunesse. Jeunesse et mort se lient étroitement, la première, symbole de force virile et d'énergie, la seconde, sublimée par le sacrifice et la résurréction. Les soldats tombés au champ d'honneur représentaient un idéal de jeunesse moulé sur la plastique antique. Les cimetières ou monuments retraçent bien cette vision ; en effet, les fresques ou statues montrent généralement un soldat jeunne, beau, qui est mort pour sa patrie.

Il y a eut beaucoup de débats pour savoir comment honorer les morts pendant la guerre. Mais le culte avec ses monuments et ses cimetières ne s'instaura vraiment qu'àprès la guerre.

Les soldats morts au combat n'étaient pas envisagés comme individus mais comme une communauté de camarades. S'il y eut quelques tentatives pour différencier les tombes dans les cimetières, ce ne fut que pour satisfaire les familles. Les morts fondaient la fraternité des vivants, régénérant la nation par l'intermédiaire de ceux qui avaient combattu sur le front et qui avaient survécu. On représenta les morts en groupe et on souligne l'homogénéité de l'expérience de guerre en aligant des tombes, trés simples et identiques, dans les cimetières militaires.

De plus, leurs tombes devenues les autels d'un culte national, les monuments érigés en leur honneur, décuplaient le sens de leur sacrifice.

Le cimetière constitue un élément central du culte des soldats tombés au champ d'honneur. C'est le nombre sans précédent de victimes de la guerre qui obligea les états européens à construire des cimetières militaires. A cause des pertes massives et de la durée des combats, il fallut enterrer les morts dans des endroits où les familles puissent se reccueillir. Dès 1914, on constitua des unités chargées de rescenser les noms des morts et leurs tombes et de faire des listes aussi à jour que possible. La France vota une loi créant des cimetières militaires dès 1914 et en décembre 1915 regroupa les corps des soldats tombés sur les champs de batailles pour les inhumer à nouveau.

Des unitrés attachées aux morts de guerre se formèrent dans les armées de tous les pays.

Tous les pays en guerre créèrent des organisations destinées à prendre en charge les projets et leur entretien. Dans les pays vainqueurs elles étaient nommées par les gouvernements. La France donna au secrétariat d'état des anciens combattants et victimes de guerre la responsabilité de toutes ces questions. En Allemagne et en Autriche, ce sont des associations privées qui s'attelèrent à cette tâche, s'occuper de toutes les activités liées aux morts, entetenir les tombes... Les cimetières allemands ne passérent sous contrôle allemand qu'en 1966.

Le lieu du repos éternel des morts de guerre était devenu sacré et bien distinct des cimetières civils. La mort du soldat n'avait plus rien à voir avec celle du civil, elle avait un autre sens, elle est survenue, celle du soldat, dans des circonstances trés idéalisées, elle a une portée nationale.

Après la guerre, les cimetières militaires sont devenus des lieux de pélerinage. La France et l'Angleterre subventionèrent le déplacement des veuves et des orphelins, pour les autres personnes elle proposèrent des déplacements bon marché. Pendant une dizaine d'années après la guerre, les cimetières de France et de Flandre furent des lieux de culte extrêmement vivants, fréquentés par les citoyens de tous les pays qui s'étaient battus.

L'idée de ramener et d'enterrer dans le monument le plus prestigieux de la capitale un soldat inconnu tombé au champ d'honneur, surgit simulatanément en France et en Angleterre. Le soin accordé au choix de cet inconnu, les funérailles... atteste de la puissance du culte des morts de guerre à la fin du conflit. Le retour et l'inhumation du Soldat inconnu s'accompagnèrent d'une symbolique dessinant toute la mythologie de la mort de guerre en une seule cérémonie en un seul symbole qui devint le noyau de l'armistice et de toutes les autres commémorations. L'idée de ce tombeau naquit en France pendant la guerre.

 

(source: de la grande guerre au totalitarisme de George L. Mosse, éditions Hachette, 1990).

Monument aux morts de Castelnaudary

Monument aux morts au Portugal

Monuments aux morts de Luchon

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